Burkina Faso - Protection des politiques de santé contre l'ingérence de l'industrie du tabac

...l’industrie du tabac utilise la désinformation pour anéantir tout effort de lutte antitabac. Le dernier exemple en date en est le communiqué de presse de British American Tobacco (BAT) qui prédit des catastrophes si l’industrie du tabac meurtrière venait à disparaitre.

Les 2 et 3 septembre 2013, au Pacific Hôtel de Ouagadougou, le Ministère de la santé du Burkina Faso en collaboration avec l'ONG Afrique contre le tabac (ACONTA) avec l’appui technique et financier de l’Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (L’Union) et de la Fondation Bill et Melinda Gates a organisé un atelier sur l’article 5.3 de la Convention Cadre de l’OMS pour la Lutte Antitabac (CCLAT). Cette activité traduit l’engagement des plus hautes autorités nationales à protéger les politiques de santé de l’ingérence de l’industrie du tabac.

La cérémonie d’ouverture de l’activité à été présidée par le Secrétaire Général représentant le Ministre de la Santé en présence de l’OMS/Burkina et des experts de l’Union.

Le premier jour de l’atelier a connu la participation des conseillers techniques des départements ministériels, les acteurs de la société civile et les membres du Comité National de Lutte contre le Tabac.

Au deuxième jour, c’était le tour des hommes de médias de bénéficier de cette formation.

Intérêt du thème

Le présidium lors de l'atelier
/Photo courtesy Burkina24)

Plus que jamais, le tabac constitue une sérieuse menace sanitaire, sociale et économique pour les pays, notamment ceux en développement.

Pour aider les pays à lutter efficacement contre le tabac, la Convention Cadre pour la Lutte Antitabac de l’ Organisation Mondiale de la Santé (CCLAT-OMS), le premier traité international de santé publique et le plus populaire de l’histoire des Nations Unies, présente de nombreuses mesures importantes. Les 177 pays qui l’on ratifié sont à des stades différents de sa mise en œuvre.  Ce processus d’implémentation de la CCLAT n’est pas sans difficultés majeures. L’industrie du tabac en est un principal obstacle; elle use de tous les moyens trompeurs et fallacieux pour parvenir à ses fins  et « continuer à écouler ses produits mortels pour amasser des richesses à son seul profit  au détriment de la santé publique ».

C’est pourquoi, la CCLAT prévoit en son article 5.3 de prendre des mesures au plan national pour  protéger les politiques de santé de l’interférence de l’industrie du tabac et ses alliés. C’est dans ce cadre que s’est inscrit le présent atelier qui visait  de façon générale à informer et à sensibiliser les participants de l’importance de l’article 5.3, de sa mise en œuvre et à alerter des différentes stratégies de l’industrie du tabac visant à saper les efforts entrepris dans le contrôle du tabac.

L’atelier entrait également dans le cadre du projet d’implémentation de l’article 5.3 de L’Union dont le Burkina Faso est bénéficiaire à travers le Ministère de la Santé. C’était une opportunité salutaire  pour le Burkina Faso, qui va s’armer davantage pour déjouer toute interférence de l’industrie du tabac dans ses politiques de santé. Il fait aujourd’hui l’objet des attaques répétées de l’industrie du tabac qui utilise la désinformation pour anéantir tout effort de lutte antitabac. Le dernier exemple en date en est le communiqué  de presse de British American Tobacco (BAT) qui prédit des catastrophes si l’industrie du tabac meurtrière venait à disparaitre.

Points saillants

Les travaux se sont déroulés en exposés sur les principaux thèmes suivants, suivis d'échanges interactifs :

  • La CCLAT
  • L’importance des articles 6 ; 8 ; 11 ;12 et 13 de la CCLAT
  • L’industrie du tabac : une industrie prédatrice condamnée et condamnable - historique de l’article 5.3 de la CCLAT
  • L’article 5.3 et les lignes directrices
  • L’ingérence de l’industrie du tabac sur les différentes mesures de la CCLAT et  la nécessité de protéger les politiques de  santé
  • Les rôles des pouvoirs publics, de la société civile et des médias dans la mise en œuvre de l’article 5.3 de la CCLAT

Les communications ont été faites par le point focal tabac du Burkina Faso, Dr Narcisse Nare ;  les experts de l’Union, Mme Sylviane Ratte et Mr Daouda Elhadj Adam ;  et également par le responsable de l’ONG ACONTA, Dr Souleymane Ly.

Des différents exposés et  échanges, l’on retient que l’industrie du tabac  va tenter  de saboter la Convention Cadre  dans les pays et à toutes les étapes des processus législatifs, réglementaires et de mise en œuvre, affirme Mr Daouda. Pour Mme Ratte, c’est une industrie qui se singularise par ces comportements qui sont entre autres :

  • Infiltration du milieu scientifique (colloque PM, affaire Rylander OMS,)
  • Nier, créer un climat de doute, désinformer, banaliser les dangers pour la santé
  • Empêcher l’adoption de mesures ou de législations efficaces  et contrer de façon systématique les efforts de santé publique
  • Contourner, violer  les lois
  • Organisation de la contrebande
  • Lobbying et influence pouvoirs publics
  • Tentative de marginalisation des acteurs de la santé

Pour faire face à tous ces agissements de l’industrie du tabac, la lutte doit être multisectorielle et pluridisciplinaire. En  effet, le gouvernement, la société civile tout comme les médias invités à cet atelier ont vu leurs rôles expliqués.

La CCLAT confère aux pouvoirs publics l'obligation légale de prémunir les politiques de santé contre l'ingérence de l'industrie du tabac, notamment à l'aide des actions suivantes:

  • Sensibiliser  davantage l’opinion publique nationale, toutes les structures étatiques et les ONG  sur les conséquences dévastatrices du tabac d’un point de vue sanitaire mais aussi social , économique et environnemental ;
  • Évaluer la conformité du pays aux directives de l’article 5.3 CCLAT ;
  • Définir un mécanisme formel pour surveiller et réagir aux activités de l’industrie du tabac ;
  • Tenir à l’écart l’industrie du tabac des cadres d’élaboration et de mise en œuvre des politiques de santé ;
  • N’interagir avec l’industrie du tabac que dans les seuls cas où cela est strictement nécessaire (exemple: informer les industriels du tabac sur des points techniques, tels que le conditionnement et étiquetage des produits du tabac) ;
  • Sensibiliser l’opinion publique, toutes les structures étatiques  et les ONG des  stratégies de  l’industrie du tabac visant à saper les efforts de contrôle du tabac (sponsor des manifestations sportives, groupe de façade, financement des chercheurs, coalition avec secteur de l’hôtellerie, restauration, banque, écoles, tourisme, soutien aux programmes de jeunesse,  organisation des jeux, distribution gratuite du tabac, soutien aux sinistrés, protection de l’environnement, prédiction sans fondement des catastrophes pour l’emploi et l’économie, don de matériels aux services de douane…) ;
  • Rejeter l’autorégulation et le code de bonne conduite proposés par  l’industrie du tabac ;
  • Renforcer et mettre en œuvre les mesures de non éligibilité de l’industrie du tabac au code des Investissements du Burkina Faso ;
  • Eviter les conflits d’intérêt pour les employés de l’Etat en s'appuyant sur des règles de déontologie précises (qu'il conviendra d'élaborer le cas échéant) pur les fonctionnaires ;
  • Dénormaliser et interdire les activités décrites « socialement responsables » de l’industrie du tabac ;
  • Associer la société civile dans les actions de lutte antitabac.

Quant aux  organisations de la société civile, elles doivent entre autres accompagner le gouvernement dans la lutte contre le tabac en menant les actions suivantes :

  • Sensibiliser le public sur les conséquences dévastatrices du tabac et sur les stratégies de l’industrie du tabac ;
  • Participer au suivi de mise en œuvre des mesures prises pour lutter contre le tabac ;
  • Surveiller les activités de l’industrie du tabac en dénonçant les éventuelles violations des textes antitabac ;
  • Refuser tout appui venant de l’industrie du tabac ;
  • Découvrir les liens entre la politique gouvernementale et l’industrie du tabac ;
  • Soutenir le gouvernement dans son ensemble et notamment le Ministère de la santé et les encourager à mettre en œuvre l’article 5.3 ;
  • produire un rapport parallèle faisant état de la performance du gouvernement dans l’application de l’article 5.3 ;
  • posséder et appliquer leur propre Code de déontologie  à l’intention de tous leurs membres.

Enfin les médias ont un rôle fondamental à jouer, notamment pour :

  • Appuyer à la sensibilisation du public sur les conséquences dévastatrices de la consommation du tabac et sur les tactiques de l’industrie du tabac visant à saper les efforts de lutte antitabac;
  • Respecter strictement les interdictions de la publicité et de toute autre forme de promotion des produits du tabac ;
  • Eviter les couvertures « pièges » des activités de l’industrie  notamment celles dites Responsabilité  Sociale de l’Entreprise (RSE) ;
  • Dénoncer les violations des dispositions prises pour lutter contre le tabac ;
  • Rejeter les dons ou autres formes d’assistance de l’industrie du tabac (l’industrie est loin d’être une entreprise philanthrope) ;
  • Soutenir les activités de lutte antitabac en servant de relais auprès des populations ;
  • Suivre l’application de la mise en œuvre de la CCLAT et des dispositions  pour protéger les politique de santé publique de l’ingérence de l’industrie du tabac et les relayer dans les médias.

Journalistes lors de l'atelier consacré aux médias
/Photo courtesy Burkina24)

Les médias constituent de véritables partenaires ;  c’est le lieu de féliciter le Réseau des Journalistes pour la Lutte Antitabac au Burkina Faso  (REJAT-BF) pour leur engagement et accompagnement continu des actions de lutte antitabac dans le pays.

L’atelier s’est achevé avec une note de satisfaction générale et rendez-vous a été pris avec les hommes de médias pour une conférence de presse le lendemain. La dite conférence de presse animée par Dr Ly  de ACONTA, Mme Ratte de l’Union et  Mr Nombré du REJAT-BF a eu lieu le 4 septembre dans la salle de réunion de la Direction de la Santé de la Famille.  Elle a eu pour objectif d’informer le public du lancement du projet d’implémentation de l’article 5.3 au Burkina Faso et des différentes attaques de l’industrie du tabac dans le pays visant à saper les efforts de lutte antitabac.

Ouagadougou, le 4 septembre 2013

Dr Ly Souleymane

ONG Afrique contre le tabac (ACONTA)

Burkina Faso

Voir aussi: Tabagisme: l’ingérence des industries de tabac expliquée aux journalistes burkinabè, article de Sandrine Ashley Gouba pour Burkina24

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